Le Front de gauche et son leader Jean-Luc Mélenchon font une bonne campagne et occupent un espace politique à gauche du PS, crédités qu’ils sont de l’ordre de 10%. C’était un pari difficile pour « Méluche » comme on l’appelle, de quitter le PS et de fonder en quelque sorte une nouvelle confédération politique à partir du PC et des quelques militants de son Parti de gauche.
Ce pari, il l’a gagné par son talent propre, non seulement d’orateur mais aussi par son sens politique. Ainsi la mobilisation d’hier sur le thème « reprenons la Bastille » et qui vise à préparer une nouvelle constitution et la VIème République a été un succès important. Les thèmes du Front de gauche sont connus : faire un nouveau referendum sur l’Europe, donner des droits nouveaux aux salariés dans les entreprises, mettre en place une économie planifiée et écologique, …
Sur un plan politique, les sondages placent le FG à 10% environ. Ce n’est pas en soi même extraordinaire puisque dans le passé les formations à gauche du PS ont été souvent à des niveaux supérieurs : 15% pour Georges Marchais en 1981,13% toutes forces réunies en 2002. Ce qui lui ouvre une fenêtre c’est à la fois l’absence de candidats connus d’extrême-gauche (ni Laguiller, ni Besancenot ni de candidat issu du PC) qui capitalisent le vieux fond anti-autoritaire qui traverse la gauche depuis 150 ans et l’échec d’Eva Joly qui aurait pu légitimement prétendre à un score supérieur à 10%. Mais si cette situation est plutôt confortable pour le candidat François Hollande en lui constituant une réserve de 10% et plus pour le second tour, réserve dont on sait qu’elle se reportera sans difficulté, elle n’offre guère de perspectives politiques à ses électeurs. Quid en effet de l’avenir ?
Nous retrouvons une situation bien connue de la gauche et de l’extrême-gauche française. Une fonction de critique souvent aigüe et mobilisatrice, une position radicale par rapport au pouvoir qu’il n’est pas question d’exercer pour ne pas avoir à faire de compromis et se compromettre. Jean-Luc Mélenchon l’a clairement dit : « je ne participerai pas à un gouvernement que je ne conduirai pas ». Il ne sera pas ministre et restera donc en dehors pour garder sa liberté de critique. Cela pose deux problèmes : son objectif est il de construire une alternative au PS pour pouvoir conquérir le pouvoir en 2017 ? Dans ce cas, il lui faut beaucoup plus que 10% et entrainer avec lui des pans significatifs du PS, des Verts du mouvement syndical, … C’était la démarche que nous avions suivie au PSU après 1968, sans succès.
Autre difficulté : cette stratégie sera-t-elle celle du PC ? Celui-ci voudra sans doute participer au gouvernement, avoir des ministres non seulement pour défendre sa ligne mais aussi ses intérêts au sens large. Et puis au lendemain du premier tour, il faudra bien négocier un accord électoral avec le PS pour garantir le maintien d’un groupe communiste à l’assemblée nationale. Comment, dans ces conditions, maintenir l’identité de vues entre le candidat et le PC ?