Je reprends entièrement à mon compte l’analyse d’Alain Bergougnoux sur le vote de dimanche dernier à Villeneuve sur Lot (voir ci-dessous).
Je me permets d’ajouter que nous pouvons craindre que la « dédiabolisation » du FN ne joue également à l’étranger et que des listes FN ne se présentent aux prochaines élections consulaires, au moins dans un certain nombre de circonscriptions. Certes les thèmes de la nationalité, de l’émigration portent moins qu’en France métropolitaine, mais le discours de Marine Le Pen sur l’économie, sur le déclin français, sur l’Europe peut trouver un écho.
C’est pourquoi je le redis avec force la seule stratégie possible pour nous aux élections consulaires de mai 2014, c’est l’unité de la gauche et des progressistes. Faire des listes uniques regroupant toutes celles et tous ceux qui se retrouvent sur les valeurs de démocratie et de justice sera la meilleure réponse à la droite et à l’extrême-droite. Français du Monde-ADFE permettait de réaliser cette unité organique pour l’élection des conseillers AFE. Nous devons trouver les voies pour continuer ainsi dans le cadre de la nouvelle législation même si celle-ci réserve le financement des campagnes électorales aux partis politiques.
Nouvelle donne
Le Front national n’a pas remporté l’élection législative partielle de Villeneuve-sur-Lot. Mais la côte d’alerte est atteinte. Le candidat du Front a progressé de 20 points entre les deux tours. Cela avait été aussi le cas dans l’Oise. Ce sont deux départements qui illustrent le visage actuel du parti de Marine Le Pen, une influence dans des zones rurale et semi-urbaines, où les catégories
populaires se sentent comme délaissées. Tout cela s’inscrit dans un contexte marqué par une grave crise de confiance dans la politique, qui est portée au plus haut point à Villeneuve-sur-Lot, après le scandale Cahuzac. Il faut également y voir l’effet cumulé de deux stratégies politiques : celle, évidemment, de la « dédiabolisation » du Front menée depuis 2011 par Marine Le Pen, et celle de la « banalisation » de ses idées voulue par Nicolas Sarkozy, et entretenue, aujourd’hui, par toute une part de l’UMP. Le résultat de tout cela est que le Front national, qui prend les traits d’un parti simplement « ultra-populiste », disant finalement peu de choses pour surfer sur la vague des mécontentements, s’installe comme un parti potentiellement de deuxième tour, susceptible de créer une dynamique de rassemblement plus forte encore. Les problèmes posés concernent évidemment la droite et la gauche. La réalité électorale du Front national va accentuer les contradictions de l’UMP. Sans même parler des pressions qui se feront jour - et se sont déjà faites - pour trouver ici ou là des accords pour les élections municipales, l’aile-droitière du parti trouvera des arguments supplémentaires pour côtoyer les thématiques frontistes. L’idée même du « Front républicain » est d’ailleurs contestée par sa direction. Cette attitude, loin de nuire à l’influence de l’extrême-droite, la favorisera au contraire.
Les socialistes sont tout autant questionnés. Non qu’il y ait un transfert direct de l’électorat socialiste vers le Front national. Les marges de progression de celui-ci – comme le montrent la plupart des études – sont dans les électeurs qui se situent plutôt « ni à gauche, ni à droite », ou qui ont voté à gauche sans régularité. Le problème est avant tout la perte d’une part de notre électorat qui choisit souvent l’abstention. L’alternative, en effet, n’est pas sur notre gauche ou dans le vote écologiste. Ces partis, le Front de Gauche ou Europe Ecologie Les Verts, ne progressent pas – voire même régressent. Le débat n’est donc pas de savoir s’il faut mener ou non une politique « plus à gauche ». Il est d’obtenir des résultats. Le gouvernement a aujourd’hui trouvé une cohérence politique qui dessine un « pacte social de croissance », privilégiant le redressement économique, la lutte contre les inégalités, la concertation sociale.
Le mieux que nous ayons à faire est d’approfondir cette ligne en évitant les demi-mesures. La demande qui nous est faite, est avant tout une exigence d’efficacité. Il faut veiller, qui plus est, dans toutes ces zones géographiques, à la présence et à la qualité des services publics.
Ce n’est pas contradictoire - et il faut éviter les faux débats - avec une politique de dénonciation virulente de ce qu’est le Front national, un parti qui joue des peurs, stigmatise les « élites », pour ne pas à avoir à justifier son programme, rejette les minorités, tend à isoler le pays dans un rétraction nationaliste.
Le Parti socialiste a, donc, trois tâches simultanées à accomplir : expliciter la politique gouvernementale dans sa cohérence, mener une bataille idéologique contre les idées du Front national, placer l’UMP devant ses responsabilités.
Édition d'Alain Bergounioux dans Regards sur la droite, 26 juin 2013