Le retrait, soudain, ce dimanche, de la proposition de taxer à 15,5% les produits de l’épargne populaire laisse un goût amer. Le principe d’avoir un taux commun unique pour l’assurance-vie, les PEL, les PEA était en soi un progrès. Comment justifier les disparités présentes ?
En revanche, trois points doivent être critiqués :
- L’alourdissement de la fiscalité des ménages, sinon la perception de cet alourdissement, tombe très mal dans la période d’hypersensibilité à la fiscalité que nous connaissons.
- L’impréparation de la mesure et le manque de dialogue, surtout avec le Parlement, est plus que patent. Je rappelle que l’impôt ne doit pas être fait par les comptables de Bercy : il est sous le contrôle étroit du gouvernement et, du moins l’espère-t-on dans une démocratie, du Parlement qui doit exprimer, au nom de la nation, son consentement à l’impôt.
- L’annonce de la mesure entre en contradiction avec la nécessité, affirmée à de nombreuses reprises par le gouvernement, de stabiliser les règles fiscales et financières. Les entreprises et les ménages ont besoin, lorsqu’ils investissent, d’une période assez longue (5 ans minimum, disons) pendant laquelle il n’y aura pas de changements majeurs qui puissent remettre en cause la validité et la rentabilité de leurs investissements.
Or aujourd’hui, même avec des motivations nobles comme la baisse des déficits publics, la meilleure répartition des efforts et la solidarité, la fiscalité de toute nature n’arrête pas de changer. De plus, les allers-retours incessants (rétablissement de la niche fiscale sur les enfants scolarisés dont le gouvernement avait annoncé la suppression, abandon du projet de taxation de l’EBE remplacé par une surtaxe exceptionnelle de l’IS, rétropédalage sur la taxation à 15,5% de certains produits de l’épargne que j’ai évoqué, et bientôt un aménagement de l’écotaxe dont la date d’entrée en vigueur a pourtant déjà été repoussée) ne peuvent que déconcerter les ménages et entreprises qui attendent de nous, plus qu’une baisse des prélèvements (impossible en l’état actuel compte-tenu des déficits laissés par la droite qu’il nous faut combler), une politique fiscale lisible dont les lignes ne bougent pas tous les jours.
Je plaide donc pour une stabilisation constructive de notre politique fiscale. Il est indispensable de réinvestir le champ fiscal et d’avoir un large débat qui recrée le consensus. À cet égard, je m’étonne que l’idée phare du programme de François Hollande, à savoir la fusion de la CSG et de l’IRPP, n’ait pas encore été reprise. Je sais que mon collègue François Marc a l’intention de saisir le Conseil des prélèvements obligatoires de cette question, ainsi que de la révision des valeurs locatives (dont tout le monde parle depuis des années sans jamais s’y atteler) mais il est regrettable que ce soit à un parlementaire de le faire. Je ne comprends pas la timidité du gouvernement quant à cette grande réforme fiscale de gauche, soutenue par de nombreux économistes dont Thomas Piketty, et qui permettrait d’assoir la fiscalité des revenus du travail sur une base plus juste grâce à un renforcement de la progressivité, plus efficace dans son recouvrement par l’État, et plus acceptable par les Français car moins « visible » et mieux répartie.