Laborieusement réélu à la tête de son parti, incapable de relancer la machine UMP, qui a subi une lourde défaite dans le Doubs, et désavoué par son camp lors du Conseil de l’UMP statuant sur la stratégie à adopter en cas de second tour FN contre PS, Nicolas Sarkozy parait affaibli depuis son retour. Ses plus fidèles amis n’hésitent plus à faire part ouvertement de leur inquiétude et même de leurs reproches : manque d’autorité, laisser-aller, absence d’idée nouvelle…
C’est certainement pour répondre à ces critiques et réaffirmer son leadership que Nicolas Sarkozy a sollicité une double-page d’interview dans Le Figaro. Peine perdue ! Cette interview ne fera que confirmer les doutes de ses amis (et aiguiser l’appétit de ses concurrents) : l’ancien président de la République est définitivement à la dérive !
Nicolas Sarkozy s’en prend d’abord au bilan économique de François Hollande. Rien de plus normal en soi pour un opposant politique. Assez bizarrement, la question de la dette n’est pas abordée. Il est vrai que la comparaison serait assez peu flatteuse pour celui qui a creusé la dette de plus de 600 Mds d’euros. Pour le reste aussi, l’ancien président se garde bien d’évoquer ses propres performances. C’est de bonne guerre dira-t-on. Je note malgré tout un sentiment désagréable de satisfaction quand il prédit que ni les exportations, ni la demande, ni l’investissement, ni la croissance ne repartiront. Cela me fait penser à Arnaud Montebourg qui annonçait la semaine dernière, depuis l’Université de Princeton, 800.000 chômeurs en plus d’ici la fin du quinquennat. Cette façon de dénigrer son pays en se félicitant d’avoir prévu les malheurs qui l’attendent n’est pas un comportement digne d’un homme d’État.
Vient ensuite le moment où les journalistes interrogent Nicolas Sarkozy sur son projet pour la France. Après avoir esquivé la question en vantant les réformes qu’il a déjà eu le « courage » de faire comme la réforme de la carte judiciaire, l’ancien président avance sa thérapie : il veut une « révolution des esprits ». Ne riez pas trop vite, la suite se corse un peu. Car cette « révolution des esprits » n’est rien d’autre qu’une potion magique thatchérienne : baisse massive des impôts (surtout pour les riches avec la suppression de l’ISF rêvée par M. Gattaz) et réduction des dépenses publiques de 7 points de PIB. Quand on le force à détailler quelques pistes d’économies, il nous ressort les bonnes vielles solutions : non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux et rétablissement du jour de carence dans la fonction publique. Ajoutez à cela la défiscalisation des heures supplémentaires et vous voici embarqués dans le vaisseau du « retour vers le futur » piloté par Nicolas Sarkozy, qui n’a décidément rien de neuf à proposer.
Beaucoup plus grave est la fin de l’interview qui porte sur la montée du FN. En dénonçant le « FNPS », Nicolas Sarkozy sombre dans la rhétorique infamante de ce parti d’extrême-droite et fait la démonstration de son absence d’esprit républicain. Rapprocher ainsi le FN et le PS est un procédé fallacieux, odieux et irresponsable qui ne sert qu’à faire oublier la forfaiture morale de l’UMP qui n’a pas appelé à faire battre le FN dans le Doubs – et qui depuis des années, sous l’influence d’un certain Patrick Buisson, flirte dangereusement avec les idées du FN. Je regrette vivement ces propos qui font du mal à la République et décrédibilise leur auteur.
Nous voilà donc avertis : le programme de Nicolas Sarkozy se résume, comme l’a très justement écrit Jean-Christophe Cambadélis, à « un coup de rabot sur notre modèle social et un coup de marteau sur la République ». On aurait pu espérer mieux d’un ancien président de la République…