Comme la plupart de mes concitoyens j’ai récemment pris connaissance par voie de presse de la création de ce « méga-fichier » compilant les données personnelles et biométriques de tous les détenteurs d’une carte d’identité ou d’un passeport, soit 60 millions de Français, la quasi-totalité de la population. Un fichier numérique, baptisé « Titres électroniques sécurisés » (TES) rassemblant les informations que chaque français de plus de 12 ans fournit lorsqu’il fait une demande de passeport ou de carte d’identité. Mais également des renseignements concernant le lieu de domicile, la filiation de la personne, l’image numérisée du visage et celle de la signature, le document attestant de la qualité du représentant légal lorsqu’il s’agit d’un mineur, ou encore l’adresse électronique...
En 2012, l’Assemblée Nationale avait adopté une loi prévoyant ce nouveau fichier. À l’époque, l’objectif était double. D’une part lutter contre les contrefaçons, les vols de CNI/passeports et l’usurpation d’identité. Et d’autre part faciliter de l’identification de personnes en cas de procédures judiciaires. L’opposition de gauche s’était formellement opposée à ce deuxième objectif et avait déposé un recours devant le Conseil constitutionnel. Une partie du texte s’était donc vue censurée par ce dernier. Quatre ans plus tard, le décret pris par le Gouvernement interdit tout usage à des fins d’identification biométrique. L’identification a certes été écartée, mais une fois le fichier constitué, elle reste techniquement envisageable. Qu’en serait-il si un futur gouvernement venait à modifier les finalités d’usage de ce fichier gargantuesque ? Malgré la censure partielle du Conseil constitutionnel je considère qu’une étude d’impact et un débat parlementaire constituent une impérieuse nécessité. Ce fichier, créé pour des motifs d’efficacité administrative, pose des questions au regard du droit du respect vie privée et mérite mieux qu’un décret publié très discrètement la veille de la Toussaint. Des garanties substantielles doivent être apportées aux Français.
Quel serait l’impact sur nos concitoyens si des pirates informatiques réussissaient à hacker ce fichier ? À ce jour, aucune sécurité d’État n’est infaillible et toutes les sécurités informatiques peuvent être contournées. En 1999, Jonathan James n’avait que 16 ans lorsqu’il s’est infiltré dans le réseau de la NASA. L’agence spatiale américaine avait alors été dépouillée de fichiers et de logiciels valant 1,7 million de dollars, avec entre autres celui contenant le code source de la Station spatiale internationale. En 2016, des cyber attaques virulentes mettent à mal certains colosses du numérique. Si l’on sait que seuls les agents habilités auront accès à ce fichier « avec carte et mot de passe », on en ignore le nombre. Plus un fichier est consultable, plus la possibilité de le pirater augmente. Il est essentiel qu'un grand débat soit mené au Parlement et dans l'opinion publique avant qu'une décision soit prise.