Initié il y a cinq mois suite au scandale de l’affaire Weinstein, le mouvement « Me Too » a relancé la lutte pour les droits des femmes à l’échelle mondiale. Mais certaines « bulles de régression » subsistent, pour reprendre l’expression de Christine Mauget, chargée des questions internationales au Planning Familial.
Ainsi, le droit à l’avortement connaît actuellement un net recul dans le monde, et particulièrement en Europe. Comme l’a souligné un récent rapport du Conseil de l’Europe, plusieurs pays du continent ont récemment adopté « des mesures renforçant les critères à remplir pour les femmes afin d’avoir accès à l’avortement ». Sont notamment cités la Russie, l’Arménie, la Géorgie, la Macédoine ou encore la Slovaquie.
Le cas de la Pologne est également préoccupant. En effet, alors même que ce pays figure déjà parmi les plus restrictifs concernant le droit à l’IVG, son gouvernement envisage de durcir la législation existante. Sous l’impulsion des ultraconservateurs, l’un des trois critères pouvant justifier un avortement, soit la malformation du fœtus (les deux autres critères étant le viol et ou de danger pour la vie de la mère), pourrait bientôt être supprimé.
Mais le recours à l’avortement serait aussi menacé dans des pays ayant une législation souple en la matière. L’exemple de l’Italie est en ce sens particulièrement représentatif : Alors que le droit à l’IVG y est peu restrictif, sept médecins sur dix refusent de pratiquer l’avortement, invoquant une clause de conscience.
Ce mouvement de recul est en partie favorisé par une vaste campagne « pro-life » ayant lieu actuellement en Europe, à laquelle la chaîne de télévision Arte a consacré un excellent documentaire, « Avortement, les croisés contre-attaquent ». Partout sur le continent, des groupes de militants très organisés et rompus aux techniques modernes de communication poursuivent une lutte sans merci contre l’avortement et exercent un véritable lobbying auprès de l’Union européenne. En France, c’est un jeune publicitaire qui mène le combat auprès des 15-35 ans, au moyen notamment d’une campagne sur les réseaux sociaux alliant séduction et désinformation.
Face à ce mouvement de réaction, je tiens à réaffirmer haut et fort l’inaliénabilité et l’universalité du droit à l’avortement, partie intégrante de la liberté des femmes à disposer de leur corps. En France, nous devons rester particulièrement vigilants face aux tentatives visant à entraver ce droit, qui prennent le plus communément la forme de sites internet de désinformation. Nous disposons contre cette menace d’un arsenal législatif compétent, renforcé par la loi du 20 mars 2017 relative à l’extension du délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse.
Simone de Beauvoir l’avait prédit : les droits des femmes « ne sont jamais acquis », et il suffira « d’une crise politique, économique ou religieuse » pour qu’ils soient remis en question. Ne cédons pas au retour de l’Histoire et restons fermes face à tout effort cherchant à restreindre le droit à l’avortement.