Le président Gül (c'est-à-dire la Rose) nous rend visite aujourd’hui au Sénat pour le lancement de la Saison de la Turquie en France. C’est l’occasion de parler de l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne.
On sait que le processus a commencé en 2005 avec un objectif clairement affirmé, celui de l’entrée pleine et entière de la Turquie dans les institutions européennes. Trente chapitres (sur 35) ont été ouverts mais les résultats sont maigres en particulier à cause de la position turque sur Chypre. On a parlé d’un horizon à 2023 (le centenaire de la République turque).
Entre- temps, plusieurs dirigeants européens, en particulier, le Président français et la Chancelière allemande ont déclaré être hostiles à une telle entrée, malheureusement, à mon avis, pour de mauvaises raisons. Pour Nicolas Sarkozy, c’est le doute sur « le manque de communauté de valeurs », sur le caractère européen du pays, … Ce qu’il propose à la Turquie, c’est un partenariat renforcé, privilégié, … mais cela c’est autre chose que l’adhésion. L’instauration d’un referendum obligatoire en France pour ratifier l’adhésion montre bien la défiance et la volonté de répondre à une opinion facilement hostile ou réservée.
Pour ma part, j’ai été partisan de l’adhésion turque parce que je pense que c’est un pays de grande et ancienne culture et histoire européenne, héritier de Rome et de Byzance, qu’il est fondamentalement laïc et que le processus permet de faire avancer la démocratisation. Le ralentissement progressif et récent des autorités dans ce processus n’a été que la réponse aux barrières qu’on a progressivement et de manière injuste placée devant eux.
Ce qui me pose problème ce n’est pas en fait la Turquie mais c’est l’Europe. Nous sommes dans une période de crise profonde et de désamour pour la construction européenne. Les referendums français, irlandais, néerlandais ont en sont une illustration. Mais il y a plus grave, c’est la crise d’identité. Nos concitoyens ne savent pas quelle Europe nous voulons. À trop s’élargir, on devient une Europe-monde qui peut s’étendre à l’infini pour peu qu’on respecte les critères dits de Copenhague (une démocratie pluraliste, une économie de marché) : vers l’Est, vers le Sud et la Méditerranée. Mais à ce compte là, qui est celui des anglais et des américains, on n’a plus d’Europe, on a juste une belle zone de libre-échange (« business as usual ») améliorée.
Il nous faut donc marquer le pas. Quelques adhésions : les pays Balkans, la Norvège (lorsqu’elle voudra partager ses harengs, son gaz et son pétrole), l’Islande (remise sur pied). Voilà de quoi nous occuper pour les dix prochaines années. Mais disons le clairement aux Turcs.