Voilà qui est fait : la Reine a accepté la dissolution des Communes et une élection générale (750 MPs) aura lieu le 6 mai. Une campagne courte : 3 semaines et demie même si elle avait de fait commencé Il y a 6 mois.
C’est un pays qui ne se sent pas bien : le modèle britannique tant vanté ne fonctionne plus et la crise financière l’a atteint plus que d’autres en Europe ; la croissance de la City n’a pas profité au reste du pays ; au contraire, les inégalités se sont fortement accrues, l’éducation et l’investissement public sont en panne voir en régression. Enfin à force de spin doctors, faiseurs de miracle et autres magiciens, les Anglais ne croient plus en leurs hommes politiques ni en la politique elle-même.
La finance représentait 10% du PIB et l’immobilier 15% : ces deux bulles ont explosé entrainant un triplement de la dette, un chômage multiplié par deux.
Que peut faire le gouvernement de sa Gracieuse Majesté : pas grand-chose.
Les taux d’intérêt de la Banque d’Angleterre sont quasi à 0 et depuis plusieurs mois ; le Treasury a émis pour l’équivalent de 15% du PIB en bons qui représentent maintenant un risque pour lui ; la Livre a perdu 25% en 18 mois et les exportations ont chuté de 10% en 1 an. L’entrée dans la zone euro, dont l’opinion ne veut pas de toute façon, est reportée d’autant.
Comme vous le voyez, il reste peu ou pas de marge de manœuvre pour le gouvernement à venir. Georges Brown et son Chancelier de l’Échiquier Alistair Darling, le bien nommé, ont présenté un budget 2010-2011 très courageux puisque basé sur une réduction drastique du déficit obtenu par des dépenses bloquées et des recettes en hausse (pour un tiers par l’IRPP et pour 2/3 par la TVA). Malheureusement pour la crédibilité du projet, l’ensemble est assis sur une croissance supposée de 3,25%, ce qui n’est guère plausible (2% est plus réaliste). Sur les autres aspects, il s’agit de protéger avant tout la City, cœur de l’Empire, contre toute tentative de régulation nationale et surtout européenne et de lâcher un peu de lest en acceptant une sorte de taxe Tobin, y compris sur les assurances. Nous n’irons donc pas très loin avec les Anglais dans le domaine économique et financier. Est-ce que la Défense serait un meilleur domaine ? Nous y avons intérêt puisque nous sommes les deux pays qui supportons 50% des dépenses de défense en Europe, les autres se pressant courageusement sous le parapluie de l’OTAN des États-Unis. Si les Conservateurs l’emportaient, il n’y a guère de chances de progresser car ils sont prisonniers d’un discours rétrograde et puéril sur leur « souveraineté », sur l’opt-out dans tous les domaines européens, sur le refus du passage à des votes à la majorité dans le cadre de Lisbonne. Ils ne le feront pas mais cela va « turlupiner le système européen » selon une expression de Jean Pierre Chevènement. Les Anglais respectant le business, il est probable par contre que les relations dans le monde des entreprises fleuriront par exemple avec Thalès dans l’électronique, avec EDF dans le nucléaire, ...
La Grande Bretagne a, depuis de nombreuses années, des relations assez difficiles avec l’Allemagne. Ceci permet à l’axe Paris-Berlin de s’affirmer : encore faut il que Nicolas Sarkozy comprenne que c’est précisément au moment où Angela Merkel est en difficulté intérieure, qu’il doit lui tendre la main.
J’espère en tout cas pour l’avenir de l’Europe que le labour l’emportera finalement. Il a bien commencé !