La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) vient de rendre son avis sur les deux projets qui doivent permettre enfin à l’Europe d’offrir à ses inventeurs un système de brevets de haute qualité, fiable et bon marché. Le premier concerne la création d’un brevet unitaire européen (un seul brevet couvre les pays européens), le second créerait un système juridictionnel unifié.
Disons le tout de suite, l’avis de la CJUE est décevant. Prendre un an et demi pour donner un avis aussi faible sur le fond et peu motivé n’est pas à la hauteur d’une instance aussi prestigieuse. J’en déduis qu’il y a un certain nombre de choses non dites ou d’arguments non explicités. Certains s’en réjouiront croyant enterrer ces projets. C’est le cas du gouvernement espagnol, adversaire déclaré de tout progrès au seul motif de défendre la langue castillane.
Sur la mise en place d’un brevet unitaire (ex brevet communautaire), la Cour ne dit rien ou plutôt ne voit pas de difficultés par rapport aux grands Traités de l’Union. On pouvait craindre qu’elle soulève la question des relations entre l’OEB et l’Union européenne ou bien la place des chambres de recours. Les pays qui ont lancé la coopération renforcée (pour contourner l’opposition de l’Espagne et de l’Italie) peuvent donc aller de l’avant pour mettre au point ce nouveau dispositif qui sera intégré à l’OEB et suivra les règles de la Convention de Munich. Les taxes annuelles seront payées à l’OEB puis partagées avec les Etats membres. Le Conseil européen « compétitivité » du 10 mars a entériné cette proposition simple et efficace qui nécessitera un certain temps pour être opérationnelle.
La Cour par contre s’oppose au projet de système juridictionnel unifié avec deux arguments :
- Il dessaisit les cours nationales de leurs compétences et fait écran entre elles et la CJUE
- La compétence communautaire ne peut être déléguée à une instance non communautaire
On peut objecter à la Cour qu’il existe des précédents avec la Cour Benelux ou bien avec la Cour pénale internationale. Mais il me parait plus important d’aller de l’avant et d’offrir une solution qui pourrait être la création de cours européennes de premier niveau spécialisées, dotées de juges compétents et traitant un nombre minimum d’affaires par an. Ces cours auraient la possibilité de saisir la CJUE de toute question préjudicielle nécessaire à les éclairer. Ceci répondrait au souci de l’industrie qui veut une jurisprudence éclairée et stable. Certaines variantes peuvent être discutées mais l’essentiel est de proposer une solution car si les deux projets sont distincts, il est clair que le brevet unitaire sans proposition juridictionnelle serait incomplet.
Le plus important reste d’offrir à l’industrie européenne le système de protection de ses inventions dont elle a besoin. C’est à cela que nous devons tous travailler.