En ce 8 mai, jour où fut signée la capitulation générale sans conditions de l’Allemagne dans une petite école à Reims, il ne semble pas illégitime de demander si le moment n’est pas venu de transformer cette célébration en autre chose, tourné vers l’avenir : fête de l’unité européenne, fête de l’amitié et de l’unité franco-allemande.
Dans un article récent de « Philosophie magazine », Michel Serres propose de fusionner l’Allemagne et la France, « la Françallemagne », et explique combien nos pays sont proches par leurs littératures, leurs philosophies, leurs conceptions de l’État. Il lance aussi un débat délicat : faut-il « oublier » le passé pour fonder l’avenir ? Pour notre génération, sans doute difficile, mais quid de celles qui viennent ? Bien sûr tout le monde a admiré l’Allemagne pour sa capacité à faire face à son passé et à enseigner son histoire la plus sombre. Faut-il aller plus loin ?
Parlons donc de belles choses. Deux recueils de poésie portent presque le même titre : « Ô ma mémoire, la poésie, ma nécessité » de Stéphane Hessel et « Mon beau navire, ô ma mémoire » d’Antoine Gallimard. Le premier a été publié en 2006 et reprend les poésies préférées de Stéphane Hessel en allemand (sa langue maternelle), en français et en anglais. Celles qu’il se récitait en camp de déportation pour rester « civilisé » et qu’il continue de pratiquer chaque jour : au nombre de 88, elles vont de Villon et Shakespeare à Apollinaire et Queneau. Dans une magnifique préface, Stéphane Hessel parle de sa relation avec la poésie et de son évolution.
Le second recueil est plus formel puisqu’il s’agit de poésies publiées par la maison Gallimard au XXème siècle et sélectionnés par Antoine Gallimard : Paul Valéry, Aragon, Max Jacob, Queneau, Ponge, Roubaud, Césaire, Char. Rien que cette énumération est un hommage à la maison de la rue Sébastien Bottin et à sa place centrale dans la République des lettres. 100 auteurs donc qui sont le XXème siècle français !