La décision de la Cour de justice de l’Union européenne rendue mardi 11 novembre a suscité ces derniers jours de nombreuses réactions de personnes souvent mal informées et relancé un débat sur le « tourisme social » posé en de mauvais termes.
Pourtant, la décision de la cour de Luxembourg est aussi limpide et claire que les règles des textes européens auxquelles elle se réfère : les États-membres de l’UE sont libres de conditionner un certain nombre de prestations sociales non contributives au respect des conditions de droit au séjour applicables aux ressortissants européens présents sur leur territoire, en particulier l’obligation d’exercer ou de chercher une activité ou à défaut, pour les étudiants et retraités principalement, de disposer de ressources suffisantes et d’une assurance maladie complète. Ce faisant, la cour rappelle que liberté de circulation ne se confond pas avec libre accès à toutes les prestations sociales. Elle reprend à cet effet sa propre jurisprudence antérieure selon laquelle le droit au séjour peut être limité afin que l’étranger et sa famille ne deviennent pas une « charge déraisonnable » pour le système social de l’État d’accueil.
La décision de la cour ne change donc rien au droit actuel, a fortiori au droit français qui prévoit déjà de nombreuses conditions restrictives (délai, exercice d’une activité, ressources personnelles suffisantes…) pour l’accès des étrangers communautaires (et extra-communautaires) à la plupart des prestations sociales, y compris les allocations familiales et le RSA qui sont généralement évoqués comme étant sources de détournement. Seules quelques rares prestations comme l’Aide médicale d’État sont plus faiblement encadrées (mais encadrées tout de même : plafond de ressources et délai de 3 mois) mais il s’agit là avant tout d’une question de santé publique : les virus ne se préoccupent pas de la nationalité de leurs porteurs !
La décision de la cour n’aura donc aucune répercussion sur la politique de la France en matière d’accès des étrangers communautaires aux prestations sociales et ne légitime en aucun cas les propositions de l’extrême droite (et d’une partie de l’UMP) qui voudraient réserver les prestations sociales aux nationaux. D’une part, la portée de cette décision est limitée puisqu’elle ne concerne que les prestations non contributives : les immigrés européens qui cotisent en France doivent être traités sur le même plan que les français. D’autre part, un citoyen européen résidant depuis plus de 5 ans sur le territoire d’un État membre de l’UE bénéficie automatiquement d’un titre de séjour permanent lui ouvrant droit aux mêmes aides sociales que les nationaux. De plus, quelle que soit la position de la CJUE, le principe constitutionnel d’égalité s’oppose à ce qu’un étranger disposant d’un titre de séjour en règle ne bénéficie pas des aides sociales ouvertes aux Français.
Il convient enfin de récuser les discours politiques qui tendent à faire du « tourisme social » une menace pour notre pays. Le tourisme social, qui plus est intra-européen, est un fantasme qui ne résiste pas à l’analyse. Un rapport pour la Commission européenne réalisé en 2013 montre que la majorité des immigrés intra-européens travaille et que ceux qui ne travaillent pas, qui sont principalement des étudiants et des retraités, représentent moins de 1% de la population européenne. Cette même étude souligne également que non seulement les immigrés européens ont un taux d’emploi supérieur à la moyenne mais aussi qu’ils perçoivent moins d’allocations que les nationaux et contribuent ainsi davantage au système de sécurité sociale qu’ils ne lui coutent. Le tourisme social est donc un mythe, nous devrions plutôt nous préoccuper du tourisme fiscal des grandes fortunes et des entreprises qui jouent sur les règles fiscales des pays membres de l’UE.