L’assassinat de Boris Nemtsov en plein cœur de Moscou, le 27 février dernier, participe d’un climat de terreur, qui traverse la Russie, et dont Vladimir Poutine est le premier responsable.
Bien sûr, personne ne saura jamais qui a réellement commandité ce meurtre dont les circonstances restent floues. On me permettra simplement de douter de la bonne foi de l’administration poutinienne dans l’élucidation de cette affaire qui rappelle celle d’Anna Politkovskaïa, cette journaliste tuée par balles en 2006 alors qu’elle enquêtait sur la guerre de Tchétchénie. La similitude entre ces deux assassinats est d’autant plus troublante qu’il semblerait que Boris Nemtsov, homme politique libéral et démocrate, qui était devenu au fil des ans l’un des opposants les plus déterminés à Vladimir Poutine, s’apprêtait à faire des révélations sur l’implication de la Russie dans le conflit ukrainien.
Quoiqu’il en soit, la question n’est pas de savoir si les ordres venaient ou non du Kremlin. Ce meurtre s’inscrit dans un climat de haine contre tous ceux que le pouvoir russe érige en « traitres ». À travers une propagande bien maitrisée et une justice politique dont tous ses opposants politiques font les frais, comme Alexeï Navalny, assigné à résidence depuis le début de l’année, Vladimir Poutine est l’artisan de cette radicalisation de la société russe, qui se cherche des ennemis à l’intérieur comme à l’extérieur.
En faisant ainsi monter les rancœurs nationalistes et les sentiments anti-occidentaux (contre tout ce qui se rapproche de la démocratie libérale occidentale), Vladimir Poutine joue avec le feu car il risque d’être dépassé par les mouvements ultranationalistes qui lui reprochent déjà de ne pas aller plus loin dans l’annexion de la partie russophone de l’Ukraine. Il connait ce risque mais n’a pas d’autre choix que de le prendre pour faire oublier les échecs de sa politique économique basée sur l’exploitation d’une rente, qui s’est effondrée en même temps que le cours du baril de pétrole.
Heureusement, le peuple russe montre aussi des signes de résistance aux manœuvres poutiniennes. Lucides sur la situation économique de leur pays (la récession pourrait atteindre -4% de PIB en 2015), dont ils ressentent les effets dans leur vie quotidienne, les Russes n’ignorent pas non plus le contrôle exercé par le pouvoir en place sur les médias. Les manifestations qui ont suivi l’assassinat de Boris Nemtsov témoignent d’une aspiration grandissante à vivre en sécurité dans un État de droit, démocratique et respectueux du pluralisme. C’est un signe encourageant pour l’avenir de la Russie qui n’est pas condamnée à vivre dans un régime autoritaire et arbitraire, ce soi-disant « modèle russe » vanté par Vladimir Poutine. La démocratie, contrairement à ce qu’il pense, n’est pas une « décadence ».
Dans ce contexte, l’Europe et la France doivent faire preuve de fermeté vis-à-vis du régime poutinien tout en gardant en tête que le peuple russe participe d’une grande Nation avec laquelle les relations amicales restent toujours nécessaires.
Ci dessous dessin de Plantu de L'Express de cette semaine (visible sur sa Page Facebook)