Je dois d’abord dire que je suis impressionné par la qualité et la force de rebond économique du Royaume-Uni : croissance à 3-3,5%, réindustrialisation (par exemple d’un secteur automobile qui avait disparu), création d’emplois, sans parler de la City et de sa formidable capacité financière. S’ajoute à cela un poids remarquable dans ce qu’on appelle le « soft power » : la littérature, les programmes télévisions vendus dans le monde entier, la musique contemporaine, les ventes d’art…
Le revers de la médaille est évidemment une politique budgétaire sévère (400.000 emplois supprimés dans la fonction publique) et une politique sociale très dure (3 millions de britanniques vivent en dessous des seuils sociaux). De plus, le Royaume-Uni ne pèse plus depuis plusieurs années dans les affaires du monde : trop aligné sur Washington (qui ne s’intéresse plus à lui), sans majorité pour voter les bombardements en Syrie, ailleurs dans la crise de Boko Haram et du Niger.
Dans la campagne pour les élections générales du 7 mai, ce sont les questions d’impôts, de sécurité sociale et d’économie qui intéressent les électeurs. La sortie de l’UE ne vient qu’en 7ème ou 8ème priorité. Mais Cameron doit faire face à sa promesse d’un référendum sur un Traité européen qu’il veut renégocier. C’est un piège mortel puisqu’on ne voit pas pourquoi les autres pays membres entreraient dans une réforme nécessairement longue et complexe.
Quelle importance, quelles conséquences auraient une sortie éventuelle ? Au risque de suspendre, aucun car le Royaume-Uni est de fait déjà en dehors de l’Union. Son approche a toujours été qu’il faisait partie du marché commun, d’une zone de libre-échange et, en pratique, de rien d’autre. Il a toujours appliqué cette règle pour tous les sujets qui ne sont pas de la libre circulation des biens et des capitaux (mais non des personnes).
Ainsi, le Royaume-Uni ne participe pas aux accords Schengen ou à la coopération judiciaire, rechigne à alimenter le budget de l’Union (« I want my money back »), critique la politique agricole et se met à l’écart de la politique étrangère menée essentiellement par l’Allemagne et la France (voir les accords de Minsk) et de la politique d’action extérieure mise en œuvre surtout par la France. Et en matière de politique monétaire, le Royaume-Uni ne participe pas à la BCE et veut garder la main sur ses propres réglementations financières.
Autrement dit, le retrait du Royaume-Uni n’aurait guère de conséquences pratiques. Certes, ce serait un affaiblissement politique pour l’UE mais surtout ce retrait ramènerait le Royaume-Uni à la place d’une puissance moyenne pesant peu dans les affaires du monde. En somme un « lose-lose ». Sauf si c’était l’occasion de recréer une Union à quelques-uns sous forme d’États-Unis d’Europe ?