Si elle a surpris par son ampleur, qu’aucun institut de sondage n’avait mesurée, la victoire du parti conservateur au Royaume-Uni n’éclipse en rien les difficultés auxquels est confronté le Premier ministre David Cameron sur le plan interne comme sur ses relations avec l’UE.
Certes, David Cameron obtient la majorité absolue des sièges à la Chambre des communes. Encore faut-il préciser que ce résultat est la conséquence d’un mode de scrutin (uninominal majoritaire à un tour) particulièrement favorable aux grands partis et au parti conservateur en particulier, puisqu’il suffit d’arriver devant au premier tour pour remporter la circonscription. Or, l’effondrement des libéraux-démocrates a profité aux conservateurs tandis que les travaillistes ont pâti du succès fulgurant du parti national écossais en Ecosse, terre où ils réalisent généralement de très bons scores. Au final, sur l’ensemble du territoire, le parti conservateur totalise à peine 37% des voix (moins d’un point de plus qu’en 2010) contre 30,5% pour le parti travailliste (en hausse de 1.5 points).
Les Britanniques n’ont donc pas donné un blanc-seing massif à David Cameron. Le Premier ministre a en principe les mains libres au Parlement mais il devra tenir compte des véritables équilibres politiques et sociaux du pays s’il ne veut pas accentuer les divisions internes. Les résultats impressionnants du SNP, qui a remporté 56 sièges sur 59 en Ecosse et se montre encore plus hostile que le parti travailliste à la politique de rigueur menée par David Cameron, menacent incontestablement la cohésion du pays.
Surtout, David Cameron va être confronté à sa promesse de renégocier les termes de la participation du Royaume-Uni à l’UE et de la soumettre aux électeurs par référendum d’ici 2017. Cette promesse était parfaitement irresponsable, irréaliste et incompréhensible.
Irresponsable d’abord car David Cameron a cédé à la pression du parti populiste europhobe UKIP (qui s’est effondré lors de ces élections législatives) et de la frange eurosceptique du parti conservateur sans mesurer les conséquences pour son pays d’un éventuel « Brexit » (auquel les milieux financiers et économiques sont très opposés). Le plus grave est d’avoir décidé unilatéralement de soumettre l’appartenance du Royaume-Uni à l’UE à un référendum au résultat incertain sans concertation avec les États membres de l’UE et même sans les avertir, alors qu’ils sont nécessairement concernés par une telle décision.
Irréaliste ensuite car David Cameron n’obtiendra pas le dixième de ce qu’il annonce vouloir renégocier. Il veut s’attaquer à la mobilité des citoyens européens, l’un des piliers de la construction européenne, réduire le budget européen qui ne représente déjà qu’à peine 1% du PIB européen et remettre en cause des politiques communes aussi fondamentales que la PAC. Un groupe de députés conservateurs veut même donner au Parlement britannique le droit de s’opposer à toute loi européenne, ce qui est inconcevable puisque l’UE toute entière n’existe que parce que les États membres ont accepté de lui transférer une part de leur souveraineté dans certaines matières. Il faudra s’opposer à toutes ces demandes qui risquent de créer un précédent et de transformer le projet européen en une simple Union à la carte où chaque pays peut s’affranchir des règles communes quand cela lui chante.
Incompréhensible ensuite car le Royaume-Uni bénéficie actuellement de multiples dérogations qui le mettent déjà en retrait de la construction européenne. Il est en effet le pays de l’UE qui a obtenu le plus d’ « opt-out » : il ne participe ni à l’espace Schengen, ni à l’Union économique et monétaire (zone euro, règles relatives au déficit et à la dette publique) ni à l’espace de liberté, de sécurité et de justice (qui permet notamment la coopération judiciaire et policière) ni à la Charte des droits fondamentaux de l’UE pour laquelle il a obtenu des restrictions d’application. Par ailleurs, le Royaume-Uni bénéficie d’une ristourne sur les versements qu’il devrait normalement verser au budget de l’UE compte-tenu de son revenu national brut. Dans ces conditions, on comprend difficilement comment le Royaume-Uni peut exiger de nouvelles dérogations alors que celles qu’il a déjà obtenues sont à la limite du raisonnable.
David Cameron n’aura donc pas la tâche facile pour tenir sa promesse de renégocier la participation du Royaume-Uni à l’UE. Le risque est qu’il utilise la menace du référendum pouvant potentiellement entrainer la sortie du Royaume-Uni de l’UE pour obtenir ce qu’il veut. Il ne faudra pas tomber dans son piège ! L’Allemagne vient de faire savoir qu’elle n’était pas disposée à discuter d’une modification des traités communautaires. La France doit faire la même réponse à M. Cameron.