Manuel Valls a profité ce weekend d’un déplacement à Munich pour tacler la généreuse politique allemande d’accueil des réfugiés. Alors que Merkel est de plus en plus isolée, tant sur la scène internationale face aux contestations des pays d’Europe orientale, qu’au sein de sa propre majorité qui voit d’un mauvais œil la politique qu’elle s’emploie à mettre en place depuis septembre, le Premier ministre a profité d’une visite dans un centre de réfugiés pour durcir le discours de la France.
Il a notamment affirmé que notre pays « ne pouvait pas accueillir plus de réfugiés », alors que Merkel souhaitait justement réunir un groupe de pays européens « volontaires » pour recevoir un nombre plus important de migrants que prévu initialement par le plan de répartition européen. L’objectif de la chancelière était notamment d’instaurer une véritable solidarité supranationale grâce à un mécanisme permanent de relocalisation des réfugiés. Les propos de Manuel Valls mettent donc fin à tout espoir de coopération efficiente au niveau européen.
Je ne peux alors que déplorer le scepticisme de notre gouvernement qui affirme haut et fort qu’aucun pays ne voudra accueillir plus de réfugiés et qui qualifie la politique courageuse de Merkel comme étant intenable « dans la durée ». Si la décision allemande d’ouvrir ses frontières ne peut être pérenne, ce n’est que parce que ses voisins refusent de coopérer.
Alors que l’Allemagne a vu plus d’un million de migrants et réfugiés franchir ses frontières, la France, elle, a fait l’effort surhumain de promettre l’accueil de quelques 30 000 personnes pour maintenir un faux-semblant de solidarité européenne. Il est d’ailleurs important de souligner que sur ces 30 000 personnes, seules 62 ont effectivement été accueillies. Au total en 2015, la France aura accordé le droit d’asile à 20 000 demandeurs (sur un total de 79 000). La France des droits de l’Homme et de la générosité est loin.
Plus qu’en France, au niveau européen, le plan de répartition de Jean-Claude Juncker qui devait permettre la réallocation de 160 000 réfugiés est resté lettre morte. Seules 500 personnes en ont bénéficié.
Il ne me semble alors pas exagéré d’affirmer que nous allons vers de gros problèmes. Est-il même encore nécessaire de le dire ? Alors que l’Europe fait face à la crise migratoire la plus importante de son histoire depuis 1945, elle est incapable de s’entendre, et ce depuis 5 ans. Rappelons que la guerre civile syrienne a débuté en 2011.
Les « États-Unis d’Europe » de Victor Hugo semblent bien loin aujourd’hui, et c’est l’espace Schengen qui risque de s’effondrer. Devant l’incapacité de la Grèce, encore à la peine d’un point de vue économique, à contrôler l’afflux de réfugiés, l’Union européenne est montée au créneau, menaçant d’appliquer l’article 26 du code Schengen qui prévoit la réactivation du contrôle des frontières intérieures.
Si la France ne veut pas d’un plan de répartition, elle ne cesse de plaider pour la mise en place de hot-spots et de centres d’enregistrement chargés de distinguer les réfugiés des migrants économiques. Pourtant, cette stratégie patine, et la Grèce se retrouve en grande difficulté.
Si un meilleur contrôle des frontières extérieures est crucial, il est illusoire de penser que cette politique seule constitue une solution au défi sans précèdent auquel est confronté l’Union européenne. C’est là l’erreur de la France aujourd’hui, qui met en danger l’accord politique allemand qui constitue pourtant un pilier de la solidarité européenne, sans se rendre compte qu’un meilleur contrôle des flux en Grèce et en Italie doit s’accompagner d’une véritable politique d’accueil des 28.
Nous faisons fausse route, et j’ai peur qu’il soit bientôt trop tard pour faire marche arrière. Angela Merkel ne pourra tenir bon toute seule très longtemps, même soutenue par John Kerry et le Haut commissariat aux réfugiés de l’ONU.