Après des mois de crise migratoire sans issue rapide à l’horizon, et la possibilité d’un Brexit, l’Union européenne est indéniablement fragilisée.
En effet, alors qu’elle relève le défi le plus important de son histoire en faisant face à une véritable crise humanitaire qui fait vaciller la Grèce, les pays d’Europe de l’Est se ferment les uns après les autres. Après la décision prise par l’Autriche d’instaurer un quota sur le nombre d’arrivée de migrants, ce sont certains des États membres dans les Balkans qui décident de fermer leurs frontières. Plus que cela, c’est la Hongrie qui prévoit l’organisation d’un référendum quant à la légitimité de l’accueil des réfugiés dans le cadre des quotas européens, ou encore la Pologne où la situation se crispe après l’arrivée au pouvoir des ultraconservateurs.
Alors que l’Union européenne devrait se consacrer totalement à cette crise qui pourrait marquer la fin de l’espace Schengen, elle doit pourtant gérer le potentiel Brexit. Le référendum anglais, désormais officiellement prévu le 23 juin prochain, ne pouvait donc plus mal tomber, et l’irresponsabilité de David Cameron, qui est parvenu à arracher à une Europe fatiguée un accord quant au statut spécial de son pays au sein de l’UE lors du Conseil européen du 18 et 19 février derniers, ne pouvait pas être plus grande.
L’accord obtenu remet en cause certains principes fondamentaux de l’Union. Il porte notamment un coup au principe de libre circulation des personnes au sein de l’UE, en instaurant un mécanisme permettant à un État membre de bloquer l’accès de certaines aides sociales aux migrants intra-européens en cas d’afflux exceptionnel, et cela sur une durée maximale de quatre ans. Plus que cela, il permet au Royaume-Uni de déroger au principe d’une « Union sans cesse plus étroite » inscrit dans les traités, ce qui instaure de facto une Europe à plusieurs vitesses, où l’intégration à géométrie variable, en fonction de la vision de chacun, est reconnue comme pleinement légitime. L’accord marque donc la fin de la solidarité des 28, dans un contexte où nous en avons pourtant le plus besoin.
Il n’est alors pas exagéré d’affirmer que le Royaume-Uni, grande nation pourtant amie et alliée, se fourvoie. Ses responsables politiques, en se divisant sur la question de son maintien au sein de l’Union, jouent un jeu dangereux. Boris Johnson, le très populaire maire de Londres, en se déclarant porte-parole des partisans du « out », poursuit une stratégie de court terme sans relever la tête et voir que le Brexit conduirait à un affaiblissement de l’UE, mais également de son pays, comme ne cessent de le clamer les grandes entreprises opérant au sein de la City ou la Première ministre écossaise, Nicola Sturgeon, qui représente une population profondément europhile.
Pourtant, quelle que soit l’issue du référendum britannique, qui apparait comme étant de plus en plus incertaine, ce débat aura au moins eu le mérite de clarifier les choses. Si certains pays d’Europe de l’Est se ferment et dénoncent l’ingérence de Bruxelles, si le Royaume-Uni souhaite sortir d’une Union qui ne lui a jamais convenu, il est alors temps d’avancer avec ceux qui le souhaitent. J’en suis convaincu, nous pouvons sortir de l’impasse.
Plutôt que de participer à l’élaboration d’un discours morose et sans vision, prônons l’avènement d’un nouveau projet ambitieux pour l’Europe. Osons à nouveau rêver d’une coopération politique accrue entre ses membres, en format réduit, avec les six membres fondateurs, par exemple, ou les pays membres de la zone euro volontaires pour aller plus loin.
Une coopération poussée au niveau budgétaire et monétaire, mais également diplomatique, sécuritaire, énergétique et éducatif n’est pas seulement souhaitable, elle est nécessaire. À l’âge de la mondialisation, l’Europe a un rôle à jouer dans le monde, que les nations européennes seules ne peuvent plus remplir. Le Royaume Uni peut bien dénoncer à tort et à travers la perte de sa souveraineté, celle-ci n’est pas liée à sa participation au sein de l’Union européenne, mais bien à l’avènement d’un monde global. Cette réalité peut être effrayante. Pourtant, elle recèle également d’innombrables opportunités, comme je le vois tous les jours en tant que représentant des Français de l’étranger.
Nous n’avons donc guère plus le choix que celui de l’adaptation, et cette dernière passe par la réalisation du rêve européen, avec ou sans le Royaume-Uni, qui pourrait d’ailleurs adhérer à une simple zone de libre-échange.
Renforçons le noyau dur de l’Union, à l’aide d’une gouvernance forte de la zone euro, d’un rapprochement fiscal qui pourrait s’étaler sur 20 ans, ou encore de la mise en place d’un exécutif européen rendant compte de ses politiques devant une formation élue propre à la zone euro. Ayons le courage d’un Monet, d’un Adenauer, d’un Schuman, pour tendre et réaliser, peut-être un jour, les « États-Unis d’Europe » si chers à Victor Hugo.
Je suis prêt à m’engager dans ce sens, et pense que de nombreux citoyens européens le sont également.