C’est la proposition choc qui fait frémir le patronat allemand depuis plusieurs semaines. En décembre dernier, le syndicat IG METALL a réclamé, en plus d’une hausse des salaires de 6%, l’instauration d’un droit individuel de passage à la semaine de 28h pour les salariés du secteur de l’industrie métallurgique et électronique. Cette réduction du temps de travail serait partiellement compensée par une somme de 200 euros pour les salariés souhaitant s’occuper d’un enfant ou d’un parent dépendant.
Premier syndicat d’Europe en termes d’effectifs, IG METAL avance plusieurs arguments significatifs pour légitimer ses revendications. Est notamment mis en avant la prospérité économique de l’Allemagne. Avec un taux de chômage extrêmement faible et une croissance ininterrompue depuis 2013, le pays se trouverait dans une situation historique devant inciter à œuvrer en faveur d’avancées sociales.
Mais les leaders du syndicat attirent également l’attention sur des changements de société profonds justifiant selon eux une réduction du temps de travail : le vieillissement démographique, couplé à une proportion croissante de femmes au sein de la population active (phénomène récent en Allemagne), pose à terme le problème du temps alloué par les familles aux enfants et aux personnes âgées. Il semblerait ainsi qu’aux yeux de nombreux travailleurs, le temps soit devenu une ressource autant si ce n’est plus précieuse que l’argent. Il est cependant important de noter que le syndicat ne milite pas en faveur d’une réduction du temps de travail générale pour tous, mais pour offrir aux salariés une possibilité de le déterminer pour une période de deux ans, avec une durée minimale de 28 heures par semaine.
Bien que le constat exposé par IG METALL soit réel, les demandes exprimées se heurtent à une forte opposition du patronat pour plusieurs raisons. Confrontée à une véritable pénurie de main d’œuvre qualifiée, celui-ci craint ne pas pouvoir faire face à une demande galopante. Les carnets de commande des entreprises allemandes sont remplis et, dans certaines régions comme la Bavière qui affichent un taux de chômage inférieur à 3 %, les entreprises s’arrachent les candidats.
À cela s’ajoute une situation d’inégalité qui opposerait les salariés bénéficiant d’une réduction du temps de travail compensée et ceux n’utilisant pas ce droit. Enfin, les chefs d’entreprise redoutent aussi une hausse du coût du travail qui se traduirait à long-terme par une baisse de l’attractivité de l’Allemagne auprès des investisseurs étrangers.
Suivant l’échec d’un cinquième round de négociations ayant duré 16 heures, IG METALL a lancé à compter du 31 Janvier un mouvement de grèves d’avertissement frappant plus de 250 entreprises à travers tout le pays. Contrairement à un arrêt de travail de quelques heures, ces grèves durent des journées entières, ce qui représente un manque à gagner colossal pour une industrie tournant à plein régime. Les pertes se chiffreraient déjà en millions et le syndicat semble ainsi s’être doté d’un véritable moyen de pression. Reste à savoir si le patronat allemand va céder ….