Quel joli pied de nez au Tribunal constitutionnel fédéral allemand qui, pas plus tard que le 5 mai, avait rendu une décision sous forme d’avertissement mettant à mal la solidarité européenne.
En effet, les juges allemands ont jugé non conforme au droit européen le programme de rachats d'actifs (quantitative easing) mis en œuvre par la Banque centrale européenne (BCE). Cet arrêt vient remettre en cause la politique économique de soutien aux États européens liée à la crise sanitaire. Il s’agit, en effet, pour la Cour constitutionnelle allemande de demander au Conseil des gouverneurs de la BCE de justifier le programme d’achat d’actifs publics en étudiant sa conformité au principe de proportionnalité qui régit le fonctionnement de l’Union européenne (article 5 du TUE). En d’autres termes, cela signifie qu’il faut que l’action des institutions européennes se limitent seulement à ce qui est strictement nécessaire pour atteindre les objectifs fixés dans les traités. Si le Tribunal fédéral allemand juge que la justification n’est pas suffisante, il pourrait très bien ordonner à la Banque centrale allemande (Bundesbank) de cesser sa participation au programme d’achat d’actifs dans un délai de trois mois.
La chancelière Angela Merkel a tempéré la décision des juges constitutionnels allemands en indiquant qu’il lui revient la responsabilité de respecter la décision du Tribunal. C’est en conjuguant devoir national et devoir européen qu’elle poursuivra les efforts pour une véritable relance économique européenne.
C’est ainsi qu’Emmanuel Macron et Angela Merkel ont tenu hier soir une déclaration commune pour un plan d’aide exceptionnelle. Effectivement, la mise en place d’un mécanisme inédit de mutualisation de la dette européenne va voir le jour avec la création d’un fonds de relance à hauteur de 500 milliards d’euros. Du jamais vu ! Et pour cause, on connaît le penchant éco-centrique de l’Allemagne et sa réticence vis-à-vis d’un certain laxisme budgétaire des pays les plus en difficulté.
Toutefois, l’urgence historique dans laquelle l’Union européenne se trouve aujourd’hui, force les États à prendre des mesures exceptionnelles de solidarité.
C’est pourquoi communément la France et l’Allemagne ont convenu d’un plan de relance directement financé par des emprunts pris au nom de l’UE par la Commission pour ensuite reverser cet argent aux pays européens les plus touchés par la crise. Emmanuel Macron a pris soin de préciser qu’il ne s’agit pas de prêts, comme on peut souvent le penser, mais de dotations.
La mutualisation de la dette européenne reflète la volonté des États à Faire Europe. Faire Europe, c’est admettre que nous nous trouvons à un tournant critique de notre histoire européenne et que pour la survie de l’UE, il nous faut non seulement faire preuve de solidarité mais également d’unité.