Les garde-fous budgétaires adoptés en 1997 par la zone euro seraient-ils en train de se déliter petit à petit ? La Commission européenne s’est hier prononcée en faveur du maintien de la suspension du Pacte de stabilité et de croissance en 2022, gelé depuis mars 2020 pour permettre aux pays européens de faire face aux retombées de la crise sanitaire.
Pour rappel, le pacte de stabilité contient deux piliers, religieusement suivis par certains, « d’un autre siècle » pour d’autres : le déficit public des États ne doit pas dépasser les 3% du PIB, et l’endettement doit être limité à 60% du PIB. Comme l’indique la petite phrase du chef de l’État Emmanuel Macron ci-dessus, la France plaide depuis des années pour la fin de l’orthodoxie budgétaire, soutenue par l’Europe « du Sud » (Portugal, Espagne, Italie…).
Face à eux, une autre conception de la zone euro, plus « frugale ». Emmenés par l’Allemagne, ce sont en majorité des pays d’Europe du Nord, qui étaient réticents à l’idée d’adopter un grand plan de relance européen : Autriche, Danemark, Pays-Bas… Ces derniers ont accepté la suspension du pacte de stabilité en 2020 uniquement car ils comptaient sur son retour dès la fin de l’épidémie.
La Commission européenne a, dans ce sens, fixé un critère : le retour à des niveaux de PIB avant-crise, c’est-à-dire fin 2019. Les indications préliminaires actuelles suggèrent de continuer à appliquer la clause dérogatoire en générale en 2022 pour la désactiver en 2023. Cette clause a permis à tous les pays de la zone euro d’annoncer des milliards d’euros de dépenses en plans de soutien et de relance, et à l’UE d’adopter ce plan historique de 750 milliards. Malgré des indications de retour du pacte, la Commission a également annoncé qu’elle relançait des consultations pour faire évoluer les règles qui encadreront les finances publiques en Europe après la crise.
Il est clair que ces règles budgétaires ne seront adaptées aux finances européennes à la sortie du tunnel. Pour Clément Beaune, « il faut saisir l’opportunité historique de changer les règles budgétaires de l’Europe ». Il évoque notamment sa préférence à un encadrement de la capacité à dépenser des pays plutôt qu’un seuil des 60% de dette, justifiant que les transitions écologique et numérique nécessiteront de nombreux investissements. Le calendrier électoral allemand ne permet pour l’instant pas d’engager un dialogue constructif, mais Clément Beaune compte bien sur la Présidence française de l’UE au premier semestre de 2022 pour faire bouger les choses. Une levée progressive des mesures du pacte de stabilité, trop rigides à mon goût surtout dans ce contexte, au-fur et à mesure que la situation s’améliore, semble être la solution la plus adéquate.